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Un article et un livre
d’une lucidité décapante

Notes de lecture (Robert Kirsch) d’un  article de Télérama n° 3592 du 14/11/18  (lien externe)

Par Danièle Hervieu-Léger, sociologue

Le système clérical n’est pas réformable. Il faut le déconstruire si l’on veut Inventer une autre manière de faire Église.

Le malaise de l’Église catholique en France

Il est, d’après Danièle H-L, d’une ampleur égale à celle qui a conduit à la Réforme au 16e siècle.

Après la Réforme, le concile de Trente (1545-1563) avait puissamment renforcé le statut du prêtre, «mis à part» pour la gestion exclusive des biens de salut. […] Face à un peuple de fidèles sans aucun pouvoir au sein de l’institution, s’impose la figure d’un prêtre porteur de tous les attributs du sacré, qui est aussi, sur le terrain de la famille, le héros de la grande bataille de l’Église contre la sécularité du monde.

Depuis le 19e siècle l’Église est confronté à la modernité

Cette modernité à laquelle se heurte alors l’Église, c’est la reconnaissance de l’autonomie des citoyens, qui fait échapper la société à la régie de la religion. Or cette revendication d’autonomie n’a pas cessé de s’élargir et elle embrasse aujourd’hui la sphère de l’intime aussi bien que la vie morale et spirituelle des hommes et des femmes qui, sans cesser d’ailleurs nécessairement d’être croyants, récusent la légitimité de l’Église à dire la norme dans des registres qui ne relèvent que de leur conscience personnelle.

Le christianisme n’est pas étranger à cette quête d’autonomie

En effet, en universalisant et en individualisant la problématique juive de l’alliance – celle d’un Dieu qui offre un salut auquel le peuple a la liberté de répondre « oui » ou « non » -, le christianisme affirme cette liberté du sujet croyant. […] La tension entre cette liberté spirituelle et l’ordre dogmatique et disciplinaire imposé aux fidèles traverse l‘histoire de l’Église. 

Plus la partie apparaît perdue, plus [l’Église] se constitue en une « forteresse assiégée » dressée contre la modernité. Refoulée de la sphère politique, elle renforce son dispositif d’emprise en direction de la sphère privée. […] La famille, en devient le lieu par excellence de son emprise normative. C’est sur la cellule familiale, érigée en « cellule d’Église » que se concentrent massivement les efforts de contrôle.

Aujourd’hui… le prêtre

Reste le message, spirituel de l’Église, mais transmis par qui ?

Depuis 1959, il meurt chaque année en France plus de prêtres qu’on n’en ordonne. Crevons l’abcès : sur le plan des effectifs, le corps sacerdotal est en voie d’extinction. La prêtrise est devenue une position sociale largement disqualifiée. […] Les scandales liés aux affaires de pédophilie marquent une nouvelle et dramatique étape, en déconsidérant, chez les fidèles eux-même, le caractère sacré attaché à la personne du prêtre.

Le futur prêtre qui entre aujourd’hui en formation participe d’une culture post-chrétienne au sein de laquelle l’évidence sociale de son statut s’est considérablement réduite. Il sait que les bénéfices symboliques attachés à ses renoncements seront faibles, que sa situation économique sera médiocre et ses conditions de travail pastoral désastreuses, souvent dans l’isolement. Il sait qu’il sera la plupart du temps perçu non pas comme un virtuose de la foi mais comme le dernier des Mohicans.

Le cléricalisme

Le « système clérical », auquel on impute désormais les dérives gravissimes qui explosent au grand jour, n’est pas réformable. [Une autre manière de faire Église] ne peut plus séparer la redéfinition radicale du sacerdoce comme service de la communauté et la reconnaissance pleine et entière de l’égalité des femmes dans toutes les dimensions, y compris sacramentaires, de la vie de l’Église.

La question qui est sur la table est celle du sacerdoce de tous les laïcs, hommes et femmes, mariés ou célibataires selon leur choix. Une seule chose est sûre: la révolution sera globale ou elle ne sera pas, et elle passe par une refondation complète du régime du pouvoir dans l’institution.

À lire

Catholicisme, la fin d’un monde,

Danièle Hervieu-Léger éd. Bayard,334 p.,23.
Un ouvrage qui fera date.

Sommaire

  • De la France, pays de mission ? Vers une France païenne ? : d’une problématique de la  » crise  » à l’autre

  • Le catholicisme français et la modernité ; Trois âge de mutation

  • Le catholicisme français  » exculturé  » ; L’exemple des rapports du catholicisme et de la  » ruralité « 

  • De la réalisation de soi dans une société où s’efface la peur de manquer ; La prédication catholique de l’accomplissement dans l’impasse

  • L’Église lâchée par la famille

  • Quand la nature n’est plus un ordre

  • L’institution en question

Résumé (site de la librairie Decitre)

Dire que le catholicisme est en crise aujourd’hui en France apparaît comme une banalité. Et l’on invoque souvent pêle-mêle, à titre de description comme d’explication, les méfaits de la sécularisation, l’ostracisme des médias et le poids de l’histoire.

Mais si cette crise n’était pas seulement due aux aléas de l’histoire et des temps ? S’il s’agissait d’une crise profonde, inéluctable, qui touche le catholicisme au cœur en ôtant toute légitimité à son discours sur l’homme, la nature, la vie en société ?

Après de nombreuses années passées à enquêter sur la religion et à proposer divers modèles d’explications des comportements religieux contemporains, Danièle Hervieu-Léger expose avec rigueur la conclusion de son analyse : Quoi que nous puissions dire ou penser, le catholicisme ne fait plus aujourd’hui partie des références communes de notre univers culturel français.

Ses références et ses valeurs, ses représentations et son personnel sont sortis – ou en train de sortir – du champ social. Les conséquences de cette  » exculturation  » du catholicisme sont immenses.

Danièle Hervieu-Léger nous fait prendre la mesure de cet événement historique majeur et interroge en finale les réactions – souvent peu appropriées – du monde catholique à ce séisme culturel.

À lire également

Le commentaire du livre Danièle Hervieu-Léger   (site externe)
par Henri Madelin s.j., rédacteur en chef , sous le titre : « Feu le catholicisme ? »

où il termine en disant

Le croyant ne doit pas capituler pour autant. Car si l’Église catholique se doit de ne pas récuser la pertinence d’une analyse sociologique bien conduite, cette science n’a pas en elle le dernier mot. Depuis son origine, l’Église, par sa foi, est plongée dans le mystère de la mort et de la résurrection, elle est corps souffrant et vivant du Christ sorti vainqueur du tombeau. Pour elle, l’exode annoncé ne marque pas « la fin du monde », même si c’est « la fin d’un monde ». Elle est confrontée ailleurs à des situations différentes de celles que connaît actuellement l’Église de France. Même si cela ne lui sourit guère, celle-ci a déjà connu dans son histoire des moments où il lui a fallu opposer une longue résistance, souvent incomprise, à des normes et des valeurs qui lui semblaient incompatibles avec l’essentiel de son message.

Cet article comporte 5 commentaires

  1. J’apprécie l’analyse de DHL …sans concessions , enfin quelqu’un qui ne parle pas  » la langue de buis » !
    oui , pour moi , l’église a perdu de vue l’Evangile de Jésus de Nazareth…où je ne cesse d’y découvrir une invitation à la fraternité , à la simplicité , à l’authenticité , au respect des « petits » …
    mais quand je regarde ce qui se passe à Lyon , je vois un prélat surtout occupé à sauver sa peau , sa fonction , ne parlant des victimes de ses collègues criminels que du bout des lèvres … qui demande d’être généreux pour le « denier » alors qu’il dépense des millions pour sa « défense … scandaleux , non ?
    et bien d’autres choses qui me désolent …
    Revenons urgemment à l’Evangile comme le propose si bien Joseph Moingt que je lis avec enthousiasme !
    dans son dernier opus : l’ESPRIT DU CHRISTIANISME …en faisant un grand ménage …!
    O.P

      1. Robert , C’est en lisant ton propos plein de BON SENS et de pragmatisme que j’ai eu l’élan de mettre à mon tour , un message !
        Sais-tu que nous avons été 100 000 personnes à signer une pétition ( lancée par P.Vignon ) pour suggérer à M.Barbarin de démissionner et ainsi sortir de cette crise grave , par le haut ! eh bien , non , cela ne lui a pas suffit !
        Je sais que je ne suis pas la seule à être habitée par des sentiments de colère et de honte ! L’ EAP ne pourrait-elle pas proposer un espace de discussion , de partage … pour libérer la parole de tous ceux qui dans leur coin sont désappointés ? à vous de voir .
        bien fraternellement O.P

  2. Je ne penses pas que dé-construire soit la solution encore moins se mettre à genoux devant le monde pour paraître moderne par des lois de parité ou autres balivernes à la mode.
    Non, l’Eglise n’a pas besoin de réformes, l’Eglise a besoin de saints, c’est par les saints, au fil des siècles, qu’elle a toujours retrouvé la simplicité et sa vocation des origines.
    Alors soyons toujours joyeux et prions sans cesse, avec confiance et écoutons le Christ qui nous dit encore aujourd’hui : « je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde. »
    Jojeux Noël à tous !

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