Lien vers les lectures du 2e dimanche de Pâques, dimanche 27 avril
Chercher Dieu où il se trouve
Les récits de manifestation de Jésus ressuscité nous disent l’indicible. La rencontre avec Jésus reste un mystère. L’expérience est toujours trop grande, trop difficile. Toujours les apparitions sont insatisfaisantes. Les auteurs des Evangiles ne savent pas dire la rencontre avec Jésus ressuscité.
La rencontre de Jésus visible à nos côtés n’est pas une victoire merveilleuse de la présence sur le deuil. Elle renvoie à la rencontre de l’homme : le crucifié, le rejeté, l’humilié ; le seul assez vide de lui-même pour que Dieu trouve une place en lui. Dans le film « des hommes et des dieux », un moine dit à l’autre : on ne va à Dieu que par la souffrance, l’échec et la mort. Nous ne voulons pas nous satisfaire de cette vérité.
J’entends de cette façon la cécité de Thomas : il ne voit pas Jésus, qui pourtant est là au milieu des disciples. Jésus est présent puisqu’il entend les interrogations de Thomas. Il y répond dans la rencontre du premier jour de la semaine suivant. « Tu étais là Seigneur, et je ne le savais pas » comme l’exprime Saint Augustin. Tu es là Seigneur, et je ne te vois pas parce que je refuse de te voir où tu es vraiment : dans les frères et sœurs humains autour de moi.
Quand saisirai-je qu’il n’y a rien de plus à voir ? Quand comprendrai-je que tout est déjà donné, mais que ce don je n’en veux pas ?
L’expérience amoureuse du frère – Fils de l’homme, construit notre vie de chrétiens. Je vois les hommes et les femmes autour de moi, et je deviens capable de proclamer : « Mon Seigneur et mon Dieu ». C’est l’expérience de Jean dans l’Apocalypse.
Père Bertrand Carron
Marie et Thomas
Deux figures évangéliques nous accompagnent pendant ce temps pascal : celle de Marie-Madeleine et celle de l’apôtre Thomas. Dans les deux cas, Jésus ressuscité apparaît de manière inattendue, et dans les deux cas, un mystère s’ouvre : à Marie, Jésus dit : « Ne me touche pas », et à Thomas : « Mets ton doigt ici… mets ta main dans mon côté ». Pourquoi cette contradiction apparente ? Pourquoi ces paroles rugueuses de Jésus pour cette fidèle entre les fidèles, comme une mise à distance, tandis qu’un sceptique est invité à toucher jusqu’à ses plaies ? Au cœur de ces deux moments apparemment opposés se cache un message profond et actuel pour chacun de nous : le Christ ressuscité ne se laisse pas rencontrer de la même manière pour tous.
« Jésus lui dit : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va plutôt trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jean 20,17) Marie-Madeleine, que la tradition appelle « l’apôtre des apôtres », est la première à voir le Seigneur ressuscité. Elle, qui avait tant aimé, tant pleuré et tant attendu… le voit enfin et veut l’embrasser, le retenir. Mais Jésus lui dit : « Ne me touche pas » — en grec mè mou haptou, littéralement : « Ne t’accroche pas à moi. » Ce « ne me touche pas » n’est pas un rejet, mais un appel à grandir ! Jésus dit à Marie : « Tu ne peux plus me connaître comme avant. Je suis ressuscité. Notre relation doit désormais être nouvelle. » En d’autres termes, Marie ne peut pas « retenir » Jésus comme s’il lui appartenait. Son amour doit être purifié, élevé. Ce n’est plus une proximité humaine qui suffit, car Jésus est désormais le Christ glorifié, présent d’une manière sacramentelle et universelle. Ce passage nous enseigne que, souvent, nous nous accrochons à une image trop sensible de Dieu, mais le Seigneur nous appelle à une foi plus profonde, plus libre, plus confiante.
« Puis il dit à Thomas : Avance ton doigt ici, et regarde mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » (Jean 20,27) Huit jours plus tard, Jésus revient. Cette fois, Thomas est là — l’apôtre qui avait refusé de croire sans preuve. Jésus ne le condamne pas, mais rejoint sa faiblesse. Il lui offre exactement ce qu’il demandait : toucher, voir, vérifier. En Thomas, nous voyons la foi moderne, surtout chez nous en France , enfant de Descartes — rationnelle, sceptique, en quête de preuves, méfiante du mystère. Jésus ne le rejette pas, mais lui montre que le vrai bonheur ne réside pas dans ce qu’on touche, mais dans ce que l’on croit : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jean 20,29). Jésus permet à Thomas de le toucher, car il sait que, pour certaines âmes, le chemin de la foi passe par une rencontre plus tangible, plus incarnée. Le Seigneur se rend vulnérable, montrant ses plaies glorifiées, car il veut être touché dans son humanité blessée.
Dans ces deux scènes, Jésus agit de manière opposée, mais avec le même objectif : conduire le cœur humain vers un véritable cœur a cœur avec Dieu, détaché a la fois de ce qui est trop sensible et de ce qui serait trop rationnel, vers une foi adulte.
- À Marie, qui aime, mais avec un amour encore trop humain, il apprend à se détacher et a s’élever. Dieu ne peut pas se laisser attraper comme on saisi un objet.
- À Thomas, qui doute, il montre que la foi peut naître des blessures d’un cœur transpercé, “ce cœur qui a tant aimé le monde”. A ce titre, je vous invite a lire le testament spirituel du Pape François, sa dernière encyclique sur le cœur de jésus. “Dilexit nos”, “il nous a aimé, oui le cœur du Christ est prêt à ouvrir grand son cœur pour accueillir tous les hommes dans sa miséricorde divine.
Voilà en tout cas une grande leçon pour nous : Dieu ne se révèle pas de la même manière à tous. Certains le trouvent dans la consolation, d’autres dans l’Aridité du silence. Certains ressentent sa présence et en ont besoin, d’autres le cherchent dans une demarche plus intelectuel. . Parfois, Jésus nous dit : « Ne me touche pas » — quand il veut que nous marchions par la foi. D’autres fois, il dit : « Touche-moi » — quand il sait que nous avons besoin de réconfort.
Comme Marie et Thomas, nous devons accepter que Dieu nous éduque dans la foi.
Le chemin de Marie Madeleine ou celui de Saint Thomas est aussi notre chemin. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas toucher Jésus avec nos mains, mais nous pouvons le toucher par la foi, par notre cœur, par l’obéissance et par l’amour. Par les sacrements qui sont la présence sensible et efficace de Jésus au cœur de nos vies.
Père Gabriel Ferone
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