Lien vers les lectures du dimanche 25 mai
Nous voici plongés dans les dernières heures de la vie terrestre de Jésus. Nous sommes dans ce que l’on appelle le discours d’adieu, juste avant sa Passion. L’heure est grave. Une tension monte, perceptible dans le silence lourd de ce repas. Les disciples sont bouleversés, désemparés. Ils pressentent que quelque chose de dramatique est sur le point de se produire.
Mais, étonnamment, c’est Jésus qui reste serein. Lui seul, dans cette tempête, garde une paix inébranlable. Il dit :
« Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé » (Jn 14,27).
Il ne cherche pas à fuir. Il annonce lui-même ce qui va arriver. Et surtout, il donne un sens à sa mort : elle sera un passage, une Pâque, une libération.
Jean emploie un mot fondamental : passer.
« Jésus, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde au Père… » (Jn 13,1)
Ce mot n’est pas anodin. Il fait écho à la libération d’Égypte, au passage de la mer Rouge, à la Pâque d’Israël. Jésus, dans sa Passion, accomplit un nouveau passage : de la souffrance à la gloire, de la mort à la vie, de l’esclavage du péché à la liberté des enfants de Dieu.
Comme le dit saint Grégoire de Nazianze :
« Il s’offre, lui, l’Agneau, pour nous purifier par son sang, et nous faire passer de la terre au ciel. »
C’est ce passage que nous sommes appelés à vivre avec lui. Et c’est pour cela que Jésus dit :
« Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père » (Jn 14,28)
Au cœur de ce discours d’adieu revient sans cesse un mot : la parole.
« Celui qui m’aime gardera ma parole… »
Mais de quelle parole s’agit-il ? Revenons à ce que Jésus vient de dire quelques versets avant :
« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres » (Jn 13,34)
Voilà le cœur battant de l’Évangile. Et cette parole n’est pas une belle théorie. Jésus nous montre ce qu’elle signifie en lavant les pieds de ses disciples : un geste humble, concret, radical. Aimer, c’est servir, c’est se donner, c’est renoncer à soi-même pour le bien de l’autre.
Saint Jean Chrysostome nous interpelle :
« Tu veux honorer le corps du Christ ? Ne le méprise pas quand il est nu. Ne l’honore pas dans l’église avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité. »
Garder la parole du Christ, c’est donc se mettre au service des autres, spécialement des petits, des pauvres, des souffrants.
Mais Jésus sait que nous sommes faibles, oublieux, souvent enfermés dans notre confort ou nos peurs. C’est pourquoi il nous promet l’Esprit Saint, le Défenseur.
« L’Esprit Saint vous enseignera tout et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26)
Le mot « Défenseur », en grec paraclet, peut aussi se traduire par avocat, consolateur. Mais contre qui nous défend-il ? Pas contre Dieu, évidemment. Il nous défend contre nous-mêmes, contre notre tentation de repli, d’indifférence, d’oubli de l’amour.
L’Esprit Saint nous rappelle l’unique commandement, la grande mémoire de l’Église :
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »
Enfin, Jésus prononce une parole stupéfiante :
« Si quelqu’un m’aime, nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23)
Non seulement Dieu ne nous abandonne pas, mais il vient habiter en nous. Le Père et le Fils, par l’Esprit, viennent faire en nous leur demeure. Voilà le sommet de la révélation chrétienne.
Saint Augustin l’exprime magnifiquement :
« Dieu est plus intime à moi que moi-même. » (interior intimo meo)
Frères et sœurs, à travers cette parole, Jésus nous révèle notre dignité immense : nous sommes faits pour devenir demeure de Dieu, temple vivant de l’Esprit. Mais cela suppose que nous vivions dans l’amour, dans le don, dans le service.
Jésus termine ce passage par un cadeau précieux :
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. »
Ce n’est pas une paix de façade, ni une absence de conflit. C’est la paix de celui qui sait qu’il est aimé de Dieu, et qu’il peut aimer en retour, même dans la nuit.
Alors, dans ce monde troublé, dans nos vies souvent fragiles, accueillons cette paix comme un fruit de l’Esprit. Vivons de l’amour du Christ, et faisons de nos vies une Pâque permanente, un passage vers le Royaume.
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole… et nous viendrons vers lui. »
Que cette parole devienne vraie aujourd’hui, dans nos cœurs, dans nos maisons, dans notre Église.
Amen.
Père Gabriel Ferone
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