Lien vers les lectures du dimanche 15 mars
Avez-vous déjà observé une pierre tombant dans une eau calme et lisse ? Un CRATERE SE FORME et très vite, des ondes apparaissent, concentriques, se propageant à partir du point d’impact. A L’ECHELLE DE LA GOUTTE D’EAU, C’EST UN PETİT TSUNAMİ.
Il y a quelque chose de cette chute d’une pierre dans l’eau avec la promesse que Dieu fait à Abraham dans notre première lecture (Gn 12, 1-4). “JE RENDRAİ TA DESCENDANCE AUSSİ NOMBREUSE QUE LES ETOİLES DU CİEL ! » Une grande descendance pour un juif, c’est la plus grande des bénédictions.
Le point d’impact, c’est Abraham recevant la bénédiction de Dieu. Les cercles concentriques seront plus tard les 12 tribus issues de lui, puis toutes les nations éclairées par la révélation confiée à Israël. Le Christ ne revendique rien d’autre que d’accomplir pleinement la promesse faite à Abraham d’étendre la bénédiction de Dieu à toutes les nations, par sa vie divine offerte à tous par sa résurrection.
Il y a donc comme une propagation de la bénédiction : Dieu bénit Abraham qui bénit les nations, en commençant par sa famille, son clan qu’il emmène avec lui vers le mystérieux pays inconnu où Dieu le conduit.
Dieu dit du bien (bene–dicere en latin) d’Abraham en lui révélant la grandeur de sa vocation : un pays nouveau, un rayonnement universel. En même temps que cet appel à « être bénédiction ». Ce que tu as reçu gratuitement, donne-le gratuitement à ton tour. Dis du bien de ceux que tu rencontreras, c’est-à-dire révèle-leur leur dignité, la grandeur de leur qualité d’êtres humains, la beauté qu’ils portent en eux…
Puisque nous sommes enfants d’Abraham et que nous avons part à son héritage, nous recevons nous aussi cet appel à devenir une bénédiction pour tous ceux que nous rencontrons.
Que peut signifier concrètement : être une bénédiction pour chacun d’entre nous ?
L’étymologie nous le dit, c’est être capable de dire du bien de l’autre. Ce qui demande de discerner chez lui ce qui est vrai, beau et grand. Autrement dit, cela demande de la bienveillance (bene- videre en latin) : bénédiction et bienveillance vont bien ensemble ! Or il faut parfois beaucoup de patience pour trouver en quelqu’un son étincelle divine, alors qu’apparemment il n’est pas aimable, voire désagréable. En toute personne il y a forcement une part de bien, même si elle n’est pas très visible. Caché sous les scories de notre péché.
Bénir est donc l’inverse de maudire : dire du mal de l’autre est destructeur, même si le mal constaté est réel, tant que cela n’est pas accompagné par dire du bien. Exercez-vous avec vos camarades, vos enfants, votre conjoint, vos collègues, votre pasteur : obligez-vous à ne dire du mal de quelqu’un que si vous êtes capable auparavant d’en dire aussi du bien ! Cherchez une qualité à valoriser, une prédisposition positive à mettre en avant, un effort à saluer, une parole ou une action à féliciter.
La prière de louange – la plus belle de toutes les prières, celle qui ne finira jamais – nous éduque à cet art de la bénédiction et nous habitue à voir et dire le bien en premier. Celui qui respire au rythme de la louange – celle des psaumes par excellence – s’habitue à espérer en l’autre comme Dieu espère en lui. La langue qui bénis reflète l’âme qui contemple Dieu, disait Saint Grégoire de Nysse.
En ce sens, ne pas bénir, c’est bannir. La proximité phonétique en français nous donne à penser que ne jamais dire du bien de quelqu’un c’est l’effacer de la vie commune, c’est l’exclure de la reconnaissance accordée aux autres, c’est le frapper de non-existence, de memoria damnatio comme on le faisait autrefois chez les romains pour effacer le nom d’un empereur que l’on voulait oublier. À l’inverse, bénir c’est ne pas bannir. Sans le savoir les personnes qui visitent les malades, les prisonniers, les personnes souffrant de solitude, les personnes vivant dans les EHPAD, et qui leur apportent la communion ou un simple sourire, etc. sont des bénédictions ambulantes qui redisent à chaque personne bannie de notre société qu’elle est bénie, qu’elle fait partie encore de la communauté humaine.
Bien sûr, la bénédiction transmise en Abraham a une consistance encore plus dense que cet humanisme pourtant indispensable et déjà salutaire. Car le pays nouveau indiqué à Abraham ne se limite pas à un territoire donné, c’est finalement le pays de la Résurrection inauguré en Jésus de Nazareth. Transmettre sa bénédiction est donc ouvrir à l’autre la possibilité d’une vie éternelle, partagée en Dieu et à partir de lui. Principal impact de la chute divine (kénose) dans notre humanité, la résurrection du Christ se propage par cercles concentriques à ceux qui se laissent bouleverser par cette onde si puissante que rien cette fois-ci n’épuisera son énergie, pas même la mort. De cela nous sommes, et sans aucun mérite de notre part, les héritiers, mais surtout les transmetteurs, greffés sur Abraham et sur le Christ.
Cette bénédiction enfin n’est pas destinée aux seuls chrétiens : au contraire, les chrétiens et l’Église reconnaissent que la grâce déborde leurs frontières, et que « l’Esprit souffle où il veut ». Elle est la nappe d’eau disponible à tous les assoiffés du désert. Elle concerne mon ennemi autant que moi. Elle atteint ceux que je ne connais pas, ceux que je ne peux pas atteindre. Elle est pour tous. Par là-même, elle m’oblige à ne jamais me satisfaire des premiers cercles concentriques auxquels je me limite naturellement. Par là-même, elle m’invite à agir avec d’autres pour démultiplier ensemble notre puissance de bénédiction. La bénédiction papale « Urbi et Orbi » (à la ville = Rome et au monde) est l’expression spectaculaire de cette responsabilité de l’Église envers tous les peuples : les bénir sans conditions. L’Église est sacrement de salut pour tout les peuples.
Le repli sur soi et sur ses proches est incompatible avec la vocation reçue en Abraham. D’ailleurs, l’Église ne serait pas l’Église si elle n’était pas catholique (du grec kat-olon = selon le tout, la totalité), ouvrant à tous la totalité de la bénédiction se propageant d’Abraham à Jésus puis à nous aujourd’hui. Catholique et bénédiction sont donc indissociables, sous peine de se transformer en club privé, très vite privé de Dieu lui-même…
Etre bénédiction, pour tous : comment allons-nous traduire en actes et en paroles cet appel qui depuis Abraham nous met en mouvement vers un pays inconnu ? La terre du ressuscité.
Père Gabriel Ferone
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Merci père Gabriel
Vôtre homélie me touche profondément,🙏🙏🙏
Bénir avant tout !
Emanuela