Lien vers les lectures du jeudi saint
Nous célébrons dans la foi
Nous célébrons les sacrements dans la foi, espérant un jour voir ce que nous ne voyons pas encore. Le jeudi saint le montre très bien.
Les hébreux célèbrent le sacrifice de la Pâques, alors qu’ils sont en Egypte. Jésus donne son corps et son sang alors qu’il est encore avec ses disciples. Il sait ce qui va advenir, non pas par préscience divine, mais par son discernement humain, et dans l’espérance de la résurrection : nous voyons ici la foi de Jésus.
Pour nous il en est de même aujourd’hui. Nous n’avons que les signes de la réalité à venir.
Le signe que nous laisse Jésus du don de lui-même est le lavement des pieds, qui remplace dans l’Evangile de Jean l’institution de l’Eucharistie. Jésus nous dit ainsi que le service du frère rend visible ce qui a lieu dans le sacrifice eucharistique. Il constitue le corps du Christ
Le service du frère est le seul critère qui manifeste que la fréquentation de Jésus dans les sacrements change quelque chose à notre vie. On pourrait même dire que le sacrifice eucharistique offert sans le service du frère provoquerait notre condamnation.
Dans les moments où nous partageons le riz en paroisse, dans l’école, nous le faisons sur notre foi, pour être fidèles au Christ. Ce faisant nous réalisons trois choses :
- Nous constituons une communauté concrète, liée par la charité. Nous sommes alors le corps du Christ.
- Nous orientons notre vie personnellement vers le Christ, au moins dans ces moments-là.
- Nous exerçons concrètement la charité, en disciple de Jésus de Nazareth.
Nous devenons alors capables de célébrer ce que nous sommes, le corps du Christ rassemblé et donné au monde dans l’Eucharistie, signe de l’amour de Dieu pour tous. Nous avons du mal à le voir, mais toute notre vie en est déjà transformée.
Père Bertrand Carron
Les Français sont réputés pour prendre leur temps à table, que ce soit pour les repas en famille, entre amis ou même au travail.
- En moyenne, un Français passe deux heures par jour à table.
- Sur une vie de 82 ans (espérance de vie moyenne en France) : cela équivaut à environ 7 années entières passées à table ! (Soit deux fois plus que les Américain, par exemple)
Manger est donc quelque chose de très important pour nous, Français — et en réalité, pour tous les hommes. Cela est vrai aussi pour Jésus : on l’a même traité de glouton.
Quand on lit les Évangiles, on voit que Jésus va de repas en repas : les noces de Cana, le repas chez Matthieu, chez Zachée, chez Nicodème… jusqu’à son dernier repas, la Dernière Cène.
Et c’est au cours de ces repas qu’il donne souvent ses enseignements les plus profonds.
Son dernier repas institue par exemple l’Eucharistie — ce n’est pas rien !
Comme chacun sait un repas se fait autour d’une bonne table.
🏛️ Étymologie – « Table » :
🔸 Latin : tabula
→ À l’origine, cela désigne une planche, une table de repas ou un support pour écrire.
De là viennent aussi les tables de la Loi : la table est à la fois le lieu du repas et le lieu où Dieu inscrit sa Loi dans le cœur des hommes, où il parle à l’humanité affamée — non seulement d’une nourriture terrestre, mais aussi d’une nourriture pour l’âme.
Essayons de parcourir quelques usages du mot table en français pour voir comment l’eucharistie assume ou non tous les sens de ce mot nous reliant au Jeudi saint.
🍽️ « À table ! »
Chers enfants, vous connaissez bien cette expression, que vos parents répètent souvent — parfois avec un soupçon d’agacement !
Elle retentit pour rassembler la famille dispersée. Il faut parfois crier, ou faire sonner une clochette, ou compter sur les bonnes odeurs de cuisine pour faire descendre tout le monde.
➡️ Crier « À table ! », c’est un peu comme l’office de la cloche de l’église : elle sonne dans nos campagnes pour arracher chacun à son quotidien et transmettre une invitation joyeuse :
« Viens, tu es attendu. La table est prête. »
L’Eucharistie, comme convocation et rassemblement du peuple de Dieu, tient là un symbole fort :
C’est l’appel de Dieu qui constitue l’Église, Eklesia – assemblé-pas les affinités naturelles entre les uns et les autres.
L’Église n’est pas un club privé, car l’Eucharistie s’adresse à tous :
« À table ! Nous sommes tous conviés ! Tous invités à la table du Seigneur. »
🍲 Faire table ouverte
L’Eucharistie assume pleinement cette belle expression :
Il y a toujours de la place pour le passant, l’étranger, l’esseulé.
Comme autrefois, dans les familles, on laissait toujours une place vide pour « la part du pauvre », au cas où quelqu’un viendrait frapper à la porte.
➡️ Il devrait toujours y avoir, dans nos messes, une vigilance pour garder ouvert le cercle des habitués.
Quel contre-témoignage quand une assemblée paroissiale semble fermée, incapable d’accueillir les nouveaux, ou laisse repartir les inconnus sans leur adresser ni parole, ni regard, ni sourire !
L’Eucharistie fait table ouverte, sinon… ce n’est plus vraiment l’Eucharistie. Les cultures ou ont ne peut pas se réunir a cause d’interdit alimentaire sont des cultures anti-eucharistie, des cultures d e l’exclusion. Des cultures du pur et de l’impur. Pour nous chrétiens ce n’est pas ce que nous mangeons qui nous rend impur mais ce qui vient du cœur de l’homme. Tous les hommes en soi sont purs.
🏨 Table d’hôte
👉Une table d’hôte c’est Un repas offert à des convives, souvent dans une auberge, à prix fixe et avec un menu unique.
Dans l’Eucharistie :
- Le prix, il n’y en a pas, puisque c’est Jésus qui l’a payé sur la croix.
- Le menu unique, c’est lui-même, qui à chaque messe se donne à nous.
Ne nous en privons pas. Nous sommes les hôtes du Roi du Ciel : comment refuser son invitation ?
🪑 Table ronde
Organiser une table ronde, c’est réunir des personnes sur un pied d’égalité.
Dans une réunion circulaire, celui qui préside est au service de l’échange.
À l’inverse, une table rectangulaire impose une hiérarchie : celui qui siège à l’extrémité domine les autres.
Mais dans l’Eucharistie, le Christ interdit toute domination :
« Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. »
🚩 « Du passé faisons table rase ! »Tabula rasa.
Ce slogan révolutionnaire convient mal à l’Eucharistie… du moins au premier abord.
Car l’Eucharistie fait mémoire : elle s’enracine dans le dernier repas du Christ, et cherche à y être fidèle.
Mais dans un second temps, ce repas inaugure un monde nouveau, une nouvelle création.
Le pain et le vin basculent dans le monde de la Résurrection.
➡️ Le pain et le vin, devenus corps et sang du Christ, montrent que les lois de la nature sont dépassées, et la première d’entre elles : la mort.
Nous sommes du côté de la Résurrection et de la Vie éternelle, plus de ce monde qui passe.
🔄 Retourner la table
Cela fait référence à un épisode célèbre des Évangiles :
Jésus chasse les marchands du Temple (Matthieu 21:12-13 ; Jean 2:13-17).
Il renverse les tables des changeurs d’argent pour dénoncer la corruption dans un lieu sacré.
➡️ Nous ne pouvons pas, en tant que chrétiens, accepter tous les compromis que voudraient nous imposer le monde.
Parfois, il faut savoir « retourner la table », poser des actes clairs, dire non à l’hypocrisie, au mensonge ou à l’injustice.
🙏 Tabler sur Dieu
En français, tabler sur quelqu’un, c’est s’appuyer sur lui, comme on s’appuie sur une table pour refaire ses forces.
L’Eucharistie nous apprend à tabler sur Dieu, à compter sur lui plus que sur nous-mêmes.
C’est un lâcher-prise radical, mais ce n’est pas de la résignation.
Comme le disait Saint Ignace de Loyola :
« Tout faire comme si cela ne dépendait que de moi, mais tout attendre de Dieu seul. »
Nous ne comptons pas sur nos efforts : nous tablons sur Dieu, qui fait toute chose nouvelle.
🃏 Cartes sur table
Le soir du Jeudi Saint, Jésus a joué cartes sur table.
Il a tout posé, devant ses disciples et devant l’Histoire, pour toujours.
Pour toujours, il est :
- le Maître devenu serviteur,
- la Vie devenue nourriture.
Il existe encore d’autres expressions françaises avec le mot « table », et beaucoup peuvent être assumées dans l’Eucharistie.
Que celles que nous venons d’évoquer nous aident à regarder autrement les tables qui nous rassemblent — en famille, au travail, à l’église…
Et qu’elles nous aident à renouveler notre sens eucharistique, pour rester fidèles au dernier repas du Christ, serviteur jusqu’à en mourir.
Père Gabriel Ferone
Retrouvez les homélies du père Gabriel et du père Bertrand dans la rubrique « Messes et célébrations » / « Homélies des pères Gabriel et Bertrand » de ce site
Cet article comporte 0 commentaires