Lien vers les lectures du dimanche 2 mars
Homélie du père Bertrand
Un aveugle guidant un autre aveugle…
Les disciples sont destinés à juger la terre entière, avec le regard de Dieu. Comment le pourraient-ils sans être justement instruits, en premier dans l’humilité ?
« Si je ne juge pas, ne juge pas non plus, toi qui es mon disciple. Il se peut que tu sois coupable de fautes plus graves que celui que tu juges. Quelle ne sera pas ta honte quand tu en prendras conscience ! » (Cyrille d’Alexandrie ; Commentaire sur l’Evangile de Luc, 6). Pour devenir comme le maître il faut découvrir l’humilité, et donc goûter l’humiliation.
Je peux être jugé à tort, ce qui est une façon d’imiter Jésus lui-même. Je ne dois pas juger le frère. Au contraire, je dois me réjouir de ce que mon frère est différent de moi, et voulu comme tel par Dieu.
Il me faut même recevoir comme grâce le péché du frère, qui me donne l’occasion d’exercer la miséricorde, la patience et la douceur. « Car y-a-t-il dans la communauté un seul péché, quel qu’il soit, à propos duquel le chrétien n’aurait pas à s’examiner lui-même et à s’accuser de sa propre infidélité dans la prière et de ses manquements dans le service fraternel (…). C’est pourquoi l’assemblée frémit de joie à chaque nouvelle douleur et pour chaque nouveau fardeau qu’elle subit par la faute de ses membres, car elle se voit ainsi jugée digne de porter et de pardonner les péchés. »
Ainsi le disciple est-il sûr, à l’image du maître, de tirer de son cœur le bien qui s’y trouve. Le mal de l’orgueil est arraché alors à la racine.
Père Bertrand Carron
Homélie du père Gabriel
Aujourd’hui, le Seigneur s’intéresse à notre vie de tous les jours, notre vie quotidienne : comment avancer, jour après jour, sur le chemin ordinaire de la vie.
Quand il s’agit de parler de la vie quotidienne, de la façon de se comporter tous les jours, la Bible a un genre littéraire dédié à cela, la littérature de Sagesse. Rien à voir avec la philosophie et la sagesse grecque, qui sont souvent abstraites et théoriques. Il s’agit plutôt de ce qu’on pourrait appeler du simple bon sens, d’une sagesse “populaire” que l’on retrouve dans nombre de nos maximes : “Rien ne sert de courir, il faut partir à point…”, “Qui va à la chasse perd sa place.” Et les propos de ce jour relèvent de ce même genre littéraire : « On reconnaît un bon arbre à ses fruits », « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur », « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? ».
Ces paroles de Jésus pourraient très bien être un extrait du Livre des Proverbes ou du Livre de Ben Sira le Sage. C’est une sagesse pleine de bon sens qui inspire les paroles du Christ, et on est bien loin de la folie de Dieu dont parle Saint Paul lorsqu’il dit, au début de la lettre aux Corinthiens : “La sagesse de Dieu est folie pour les païens et scandale pour les juifs.”
Cette folie nous parle dans la deuxième lecture de ce jour, toujours dans l’Épître aux Corinthiens, de résurrection, de mort et de péché vaincus… Et quand le Christ nous invitait encore dimanche dernier à aimer nos ennemis et à tendre l’autre joue à celui qui nous frappe, n’est-ce pas aussi de la folie ?
On est donc en droit d’être déconcerté par ce que nous entendons et lisons : la foi est-elle folie ou sagesse ? Faut-il être fou ou sage pour suivre le Christ ?
La foi en Christ est folie à vue humaine, mais elle est aussi sagesse. Il n’y a pas, dans la foi, la sagesse d’un côté et la folie de l’autre, les deux sont là et doivent être prises en égale considération. Ce sont un peu comme Marthe et Marie, deux sœurs complémentaires.
Suivre le Christ est d’abord une affaire de sagesse et de raison humaine : si l’on veut produire un bon fruit, il convient que notre cœur soit bon ; si l’on veut aider l’autre à se convertir, il faut d’abord se convertir soi-même ; si l’on veut être maître, il faut d’abord se faire disciple. Tout cela est sagesse et raison, simple bon sens.
Mais la foi appelle aussi à dépasser cette sagesse trop humaine et à aller plus loin dans la folie de Dieu : oui, la mort peut être vaincue ; oui, la Loi peut et doit être dépassée par la foi et l’amour ; oui, je peux être plus fort que mon péché. La croix est folie, l’incarnation est folie. Dieu ne peut se faire homme, le créateur devenir créature, Dieu ne peut pas mourir. Ce sont là des folies si on y réfléchit posément. Notre foi va à l’encontre de tout discours simplement rationnel et sage sur Dieu, et en ce sens, elle nous invite à la folie.
Notre foi doit ainsi trouver un équilibre entre folie et sagesse. Elle doit fonctionner avec ces deux yeux pour voir le chemin qui mène à Dieu. Elle doit trouver son centre de gravité comme lorsqu’on apprend à marcher sur ses deux jambes, ou, dit autrement, il faut tenir les deux bras de la croix, une croix qui est bien enracinée dans ce monde concret et qui, en même temps, ouvre vers le ciel. Le message du Christ est donc à accueillir dans son ensemble, pour trouver son équilibre entre une foi sage et rationnelle qui me relie au monde et une folie qui m’entraîne plus loin que la raison et le raisonnable.
Père Gabriel Ferone
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