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cardinal jean claude hollerich (novembre 2022 © vatican news)

Préalable :

Cet article est proposé par Robert Kirsch.

Les travaux de la rencontre sur le Synode avec les présidents et coordinateurs des assemblées continentales ont pris fin ce mardi 29 novembre à Rome (photo ci-dessus © Vatican News). Les résultats de la phase consultative dans les Églises locales ont été présentés la veille, au cours d’une audience de deux heures avec le Pape François. (Vatican News du 29/11/2022)

Les citations sont de

    • Jean-Claude Hollerich (J-C. H.), archevêque du Luxembourg, cardinal, rapporteur général du Synode de 2023, ancien missionnaire au Japon, jésuite, de son interview de janvier 2022 à Rome. (publié dans La Croix le 20/01/2022)
    • Sylvain Bataille (S. B.) évêque de Saint-Étienne dans « La Lettre de l’Église de Saint-Étienne » n°97, avril 2022.

Changer le discours

cardinal jean claude hollerich (© la croix)J-C. H. : Lorsque, jeune prêtre, je suis arrivé au Japon, cela a été un grand choc. J’ai dû faire abstraction de toutes les piétés qui constituaient jusqu’alors les richesses de ma foi, renoncer aux formes que j’aimais. Ou bien je renonçais à ma foi parce que je n’en retrouvais pas les formes que je connaissais, ou bien j’entamais un voyage intérieur. J’ai choisi la seconde option. Avant de pouvoir Le proclamer, j’ai dû devenir un chercheur de Dieu. Je disais avec insistance : « Dieu, où es-tu ? Où es-tu, aussi bien dans la culture traditionnelle que dans le Japon postmoderne ? ». En rentrant en Europe, il y a dix ans, j’ai dû recommencer. … Aujourd’hui, dans cette Europe sécularisée, je dois refaire le même exercice : chercher Dieu. … Nous savons désormais que nous sommes et que nous serons une minorité. Il ne faut ni s’en étonner ni s’en lamenter. J’ai la douce certitude que mon Seigneur est présent dans l’Europe actuelle.

Jeunes générations

Dans ma jeunesse en Moselle, pour beaucoup de pratiquants, « la messe » se résumait à un rituel important indispensable, rythmant les semaines et les saisons. Pour Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne, les jeunes générations « éprouvent des difficultés à être accueillis [dans l’Église] pour ce qu’ils sont, à y trouver leur place, à être entendus ». Elles sont pourtant l’avenir du peuple de Dieu.

Atouts des jeunes

mgr sylvain bataille (© photo philippe vacher)S. B. : Voulons-nous des jeunes dans nos assemblées ? Pour eux ou pour nous ? L’enjeu est-il de remplir nos bancs ou de les aider à découvrir Jésus-Christ, à exprimer leur foi dans l’Église ? Acceptons-nous qu’ils soient différents de nous, avec d’autres sensibilités, une autre approche de la foi, du sacré, de la liturgie, de l’intériorité, de la fraternité, du rapport au monde. On ne peut pas demander aux jeunes de se contenter de prolonger ce que font les plus anciens. Ils ont une connaissance de la culture contemporaine qui fait d’eux les meilleurs apôtres des jeunes, car ils parlent leur langage, ils ont leurs codes. Sommes-nous prêts [l’Église est-elle prête] à leur faire confiance, à accepter qu’ils fassent différemment ? Ils sont forcément un peu dérangeants. Acceptons-nous qu’ils nous dépassent, à la manière de Jean-Baptiste quand il parle de Jésus : « Il faut qu’il grandisse et que je diminue ».

Visiblement, le pasteur d’aujourd’hui ne peut pas se contenter de chercher comment ramener au bercail la brebis perdue. Il a la difficile tâche d’inventer une parole qui puisse être entendue par l’immense peuple de baptisés qu’il ne voit pas dans ses offices, et poser des actes qui rendent l’Église visible attractive pour les nouvelles générations.

Pertinence du message

J.-C. H. : Je ne sais pas s’il y a une sagesse de l’âge. Je serais content s’il y en avait une ! Mais au fond, l’on fait toujours les mêmes bêtises, et on se heurte toujours à un même mur. Au moins, on sait que le mur est là, et que ça va faire mal. Je sais aussi désormais que je ne suis qu’un instrument du Seigneur. Il en existe beaucoup d’autres. Cette conscience me pousse à avoir toujours un peu de suspicion à l’encontre de tous ceux qui disent avoir la recette imparable pour annoncer Dieu.
L’homme n’a pas changé depuis deux mille ans. Il est toujours en quête du bonheur et ne le trouve pas. Il est toujours assoiffé d’infini et se heurte à ses propres limites. Il commet des injustices qui ont des conséquences graves pour d’autres personnes, ce que nous appelons le péché. Mais nous vivons
maintenant dans une culture qui a tendance à refouler ce qui est humain.Pourtant, dans des moments de crise, de choc, les hommes se rendent bien compte que tout un tas de questions dorment au fond de leur cœur.

Comprendre l’autre pour être écouté

J.-C. H. : Parlons-nous pour nous-mêmes, pour nous assurer que nous sommes du bon côté ? Est-ce pour rassurer nos propres fidèles ? Ou parlons-nous pour être entendus ?
Je pense que, même si cela n’est pas forcément conscient, l’Église a l’image d’une institution qui sait tout mieux que les autres.
Il lui faut donc une grande humilité, sans quoi elle ne peut pas entrer dans un dialogue. Lorsqu’un discours ne porte plus, il ne faut pas s’acharner mais chercher d’autres voies. Nous devons présenter le message de l’Évangile de telle manière que les gens puissent s’orienter vers le Christ.

Crédibilité et confiance perdues

J.-C. H. : Il faut une Église structurée de telle manière que ces choses-là [les scandales de pédophilie] ne soient plus possibles. Si l’on avait donné plus de voix aux femmes et aux jeunes, ces choses-là auraient été découvertes beaucoup plus tôt. Elles [les femmes] ne sont pas à la périphérie de l’Église, elles sont au centre. Il faut les écouter, comme, d’ailleurs, le reste du peuple de Dieu. Il faut que des laïcs et des femmes aient leur mot à dire dans la formation des prêtres. Former des prêtres est un devoir pour l’Église entière, et donc il faut que l’Église entière accompagne cette étape, avec des hommes et des femmes mariés et des célibataires.

Je pense qu’en France aujourd’hui, la très grande majorité des catholiques (peut-être 95 % des baptisés) affirment la présence de Dieu dans le quotidien de leur vie par leurs actions dans la société, leur investissement dans les associations, promouvant partout les valeurs chrétiennes liées à l’amour du prochain, sans éprouver le besoin d’une participation à la vie de l’Église. J.-C. H. nous confie « J’ai la douce certitude que mon Seigneur est présent dans l’Europe actuelle », ce que je crois aussi. Pourtant, des chrétiens que je connais fuient « l’institution Église », pour marquer leur incompréhension vis-à-vis de celle-ci ou la désapprobation de ses méthodes.

Célibat des prêtres

J.-C. H. : En ce qui concerne le célibat, dans la vie sacerdotale, demandons franchement si un prêtre doit nécessairement être célibataire. J’ai une très haute opinion du célibat, mais est-il indispensable ? J’ai dans mon diocèse des diacres mariés qui exercent leur diaconat de manière merveilleuse, font des homélies par lesquelles ils touchent les gens beaucoup plus fortement que nous, qui sommes célibataires. Pourquoi ne pas avoir aussi des prêtres mariés ? Et même, si un prêtre ne peut plus vivre cette solitude, on doit pouvoir le comprendre, ne pas le condamner. Moi, maintenant, je suis vieux, cela me concerne moins…

Espoirs du synode

Si dans le passé on pouvait considérer le discours religieux et le monde comme stables, statiques, figés pour l’éternité, aujourd’hui au cours d’une seule génération nous assistons à des changements majeurs dans nos modes de vie. Découvertes scientifiques et réussites technologiques font vaciller nos certitudes et nos croyances. Il n’est plus possible de répéter à nos contemporains les textes anciens traduits mot à mot du grec ou latin. La langue change de génération en génération, parents et enfants n’utilisent plus les mêmes mots, ou leur donnent un sens différent. J’estime aussi qu’un discernement entre mythes, légendes, rhétorique et sens s’impose dans les textes canoniques lors du passage d’une foi d’enfant à une foi d’adulte.

J.-C. H. : [Comme rapporteur du Synode], je dois être celui qui doit écouter. Ainsi, ce sont les gens qui doivent remplir ma tête et les pages. C’est cela le synode. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de donner des ordres du haut vers le bas. … La différence [avec le passé] est que cette fois, le changement de civilisation a une force inédite. C’est pourquoi il nous faut un nouveau langage qui doit être fondé sur l’Évangile. Or, toute l’Église doit participer à la mise au point de ce nouveau langage : c’est le sens du synode.

À mon avis, la plus grande difficulté à surmonter se trouve dans l’extrême centralisation de l’Église et aussi dans la grande inertie aux réformes de la gérontocratie vaticane. Le temps de la théologie se compte parfois en siècles ou en millénaires (11 siècles pour inventer le purgatoire) alors qu’aujourd’hui, l’ajustement du discours évangélique aux diversités sociétales devrait se faire en continu, ou au moins à l’échelle des décennies !

Robert Kirsch, mai 2022.

Rencontre des présidents des réunions internationales des Conférences épiscopales et des coordinateurs des groupes de travail continentaux avec le Secrétariat général du Synode, à Rome le 28 novembre 2022. 

Synode-pour-une-eglise-synodale

Le document actuel reflète les milliers de pages du processus de consultation au niveau paroissial et national. Il a été proposé à toutes les églises locales pour un dialogue plus approfondi. Le fruit de ce dialogue constituera le contenu des documents que chaque groupe de travail synodal continental enverra au Secrétariat d’ici le 31 mars 2023. Ce n’est qu’ensuite qu’il sera présenté au Pape et finalement à la session du Synode. (Giacomo Costa, consultant auprès du Secrétariat général du Synode).

Indépendamment des défis que le processus synodal soulève, a relevé le cardinal maltais Mario Grech pro-secrétaire général du Synode, la position fondamentale est de rester attentif, comme saint Pierre, à la voix de l’Esprit Saint, qui peut parler même à travers un païen.

Mise à jour du 5 décembre 2022 – Robert Kirsch

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