Lien vers les lectures de Noël
L’évangile commence et s’achève dans la joie.
La joie de la naissance de Jésus. La joie de la résurrection de Jésus.
Noël et Pâques : les deux sommets du temps liturgique, les deux sommets de notre vie de chrétiens.
Dans la nuit de Noël, le Dieu tout-puissant accepte de devenir un petit enfant.
Dans la nuit de Noël, une lumière se lève : « Ne craignez pas », dit l’ange aux bergers et, à travers eux, à toute l’humanité, « car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple. »
Bonne nouvelle qui se traduit par euangelion en grec, Évangile.
Au matin de Pâques, la résurrection du Christ a rendu cette nuit de Noël indestructible, cette joie inextinguible. L’Évangile, c’est la plus merveilleuse histoire jamais racontée !
Pour beaucoup de nos contemporains, malheureusement, cette nuit n’a pas la joie qu’elle devrait avoir.
Car ce n’est finalement qu’une histoire pour enfants. Un peu comme ces contes dont la fin est toujours heureuse.
C’est trop beau pour être vrai ! Cela relève de la légende, du conte de fées, du folklore. Et l’on regarde l’enfant dans la crèche avec un air désabusé et désenchanté.
Profondément catholique, Tolkien, l’auteur du Seigneur des Anneaux, raconte une discussion passionnée qu’il a eue un soir avec un de ses meilleurs amis, l’écrivain C.S. Lewis, l’auteur du Monde de Narnia.
Pour Lewis, l’Évangile, la Bonne Nouvelle, n’est qu’un mythe : une magnifique histoire, mais pas la vérité. Tolkien lui répond : « Non, les mythes ne sont pas des mensonges. Ils sont un langage spécifique mais capable de vérité. Ils sont bien sûr une création humaine, mais ceux-ci peuvent toucher aux vérités essentielles, à notre désir de Dieu, de salut et, profondément, de joie. »
« Voulez-vous dire, lui demande son ami, que l’histoire du Christ est simplement un mythe vrai, un mythe qui a vraiment eu lieu ? »
« Cela même ! »
Douze jours plus tard, Lewis écrit à Tolkien pour lui confier qu’après cette nuit de discussion, il est passé de la croyance en Dieu à celle dans le Christ, qu’il est devenu chrétien.
Tolkien précise dans ses écrits le lien qu’il entrevoit entre les contes de fées et l’Évangile. Il nomme cela : l’Eucatastrophe.
Eu : bien et bon, et catastrophe : dénouement. On peut donc traduire par : « heureuse fin ».
En ce sens, la résurrection est l’Eucatastrophe par excellence.
Toute histoire qui est racontée doit se terminer de façon soudaine par un retournement qui procure la joie.
C’est le contraire de la tragédie. Dans les contes pour enfants, l’Eucatastrophe finale se résume par : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » (après bien des retournements de situation inespérés), car la famille est la perfection de l’amour et donc de la joie.
Mais la vraie Eucatastrophe ne nie pas la réalité du mal ou la possibilité de l’échec.
Mais elle dénie la défaite finale. Elle est, dans une certaine mesure, un Évangile, une bonne nouvelle, un aperçu fugitif de la vraie joie, une joie qui est au-delà de ce monde, « une joie aussi poignante », nous dit Tolkien, « que la douleur. »
Tolkien a remarqué lui aussi que l’Évangile commençait par la joie et s’achevait dans la joie.
L’Évangile était pour lui la plus belle des histoires, celle que l’on voudrait qu’elle soit vraie !
La petite joie que procurent les contes ou une histoire comme Le Seigneur des Anneaux n’est qu’un reflet de la joie suprême que nous donnent la résurrection du Christ ou sa naissance a Noël.
Dans une lettre à son fils Christophe, il note que le but essentiel de son œuvre est de provoquer un sentiment de joie qui ouvre à la grande joie de la révélation. Cela lui est apparu clairement lorsqu’il a écouté un sermon où le prédicateur évoquait un miracle advenu en 1927 à Lourdes. Dans le train de retour du pèlerinage, alors que le train passait à hauteur de la grotte, un petit garçon atteint de tuberculose, monté mourant dans le même wagon qu’une fillette miraculeusement guérie, se leva soudain sur son séant et dit : « Je veux aller jouer avec la petite fille. »
Il se leva et alla jouer avec l’autre enfant, tout naturellement, totalement guéri en un instant !
C’est cela l’heureuse fin, ce retournement heureux, soudain, qui vous transperce d’une joie mêlée de larmes.
« Et je fus conduit », dit Tolkien, « à cette idée qu’elle produit cet effet si particulier parce que c’est un rayon soudain de la vérité ! »
L’Évangile n’est pas simplement une belle histoire ou un simple rayon de la vérité : c’est la vérité même !
Et nous ne sommes pas ici seulement pour nous émerveiller à la manière d’un enfant à qui l’on raconte une belle histoire, avant qu’il ne s’endorme avec ses quelques jouets qui réjouissent son cœur.
Nous sommes ici pour nous réjouir de cette joie chrétienne, qui est la vérité même et qui dépasse toutes les défaites apparentes, toutes les nuits de l’histoire : nuit du matérialisme qui transforme l’homme en objet, nuit des idéologies totalitaires, quelles soient religieuses ou politiques, nuits des guerres absurdes… Mais…
Ces nuits sont appelées à disparaître devant la lumière apportée par ce petit enfant qui dort dans les bras de sa mère !
Au cœur de la nuit la plus longue de l’année, la plus profonde, celle de Noël, une étoile s’est levée, annonçant le soleil levant de la résurrection.
Aucune ténèbre ne peut faire disparaître cette étoile ou empêcher le soleil de se lever chaque matin.
Oui, mes frères, réjouissons-nous, car dans la nuit de Noël, toutes les nuits se sont révélées trop petites pour contenir Celui qui contient tout, l’univers et nos vies, et qui dort en ce moment dans la crèche.
Père Gabriel Ferone
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