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Lien vers les lectures du dimanche 2 novembre

Nous voici rassemblés, comme chaque année, à cette saison où la nature elle-même semble s’endormir. Les arbres se dénudent, la lumière décline, et sur les tombes, les chrysanthèmes s’ouvrent comme des flammes fragiles dans la grisaille de novembre.

C’est le temps du souvenir, le temps où l’on se recueille, où l’on relit nos vies à travers le visage de ceux qui nous ont quittés. Et c’est bien. Car la mémoire est l’expression d’un amour qui refuse l’oubli, d’une certaine fidélité.

Mais cette fête des défunts ne doit jamais être confondue avec un culte de la mort.
Car pour nous, chrétiens, la mort n’est qu’un passage.
Nous croyons – et c’est là le cœur de notre foi – que la vie, donnée par Dieu est un don et qu’elle ne s’éteint pas, mais s’accomplit en Lui.

Et pourtant, il faut bien le reconnaître : notre monde moderne semble avoir perdu cette espérance.
Nous vivons dans une société qui parle beaucoup de la mort, mais rarement de la vie.
Halloween, désormais, remplace la Toussaint dans le cœur de beaucoup : une fête du vide où l’on joue avec la mort pour mieux oublier qu’elle existe. Le mystère de la résurrection remplacé par des morts vivants déambulant dans les rues.
Et pourtant, au fond de tout cela, il y a un malaise : celui d’une génération qui ne sait plus que faire de la finitude.

Derrière cette fascination se cache souvent une grande angoisse : celle d’un monde qui ne croit plus en rien, ni même au sens de la vie ici-bas.
Alors, faute d’espérance, on se fabrique des rites nouveaux : on transforme la mort en spectacle, le deuil en commerce.

Regardons notre société : elle commémore sans cesse. Chaque jour ou presque est devenu “le jour de quelque chose”. On multiplie les anniversaires, les hommages, les plaques commémoratives, , les lois mémorielles. Tout semble devoir être sanctifié par la mémoire — et pourtant, combien d’êtres humains autour de nous se sentent oubliés, vivants mais invisibles , sinon invisibilisés ?

Oui, nous nous souvenons du passé, mais nous oublions le présent. Nous honorons les morts, mais nous négligeons les vivants. La mémoire, quand elle n’ouvre plus sur l’avenir, devient un tombeau. Elle nous détourne du courage de vivre aujourd’hui.

Or le Christ ne nous a pas dit : “Souvenez-vous de ce que vous étiez”, mais : “Je fais toutes choses nouvelles.” (Ap 21, 5) La foi chrétienne n’est pas une religion du passé : elle est la confiance que Dieu agit maintenant, aujourd’hui, ici..

Et tandis que nous regardons le passé, une autre tentation s’installe : celle de vouloir être les maîtres de la vie et de la mort. Au nom de la liberté, de la dignité, de la compassion on présente l’euthanasie comme un progrès, un droit nouveau, presque une conquête morale.

Mais est-ce vraiment cela, la dignité ?
Est-ce rendre justice à l’homme que de hâter sa mort, quand il a le plus besoin d’être entouré, soutenu, aimé ?
L’euthanasie, sous des apparences de compassion, traduit une immense fatigue spirituelle : la peur de la souffrance, la peur du temps, la peur de la dépendance.

Or c’est précisément dans la fragilité que se révèle la grandeur de l’humanité.
Accompagner un mourant, ce n’est pas prolonger inutilement une vie, c’est honorer un mystère : celui d’un être humain qui, jusqu’à son dernier souffle, reste digne d’être aimé.
La vie ne perd jamais sa valeur, même blessée, même diminuée.

Le Christ, sur la croix, n’a pas fui la souffrance. Il ne l’a pas choisie pour elle-même, mais il l’a traversée pour la transfigurer. Sa mort n’était pas une capitulation, c’était une offrande. Et c’est de cette offrande qu’est née la Résurrection.

Voilà la différence fondamentale entre la logique du monde et celle de la foi : le monde cherche à supprimer la mort, ou à la provoquer et parfois en rire ; le Christ nous apprend à la traverser.

.Frères et sœurs, la plus belle manière d’honorer nos morts, c’est d’aimer la vie. C’est d’aimer la vie telle qu’elle est — fragile, imparfaite, — mais humaine. C’est d’aimer nos enfants, nos anciens, nos malades, nos pauvres. Tous ceux qui ont besoin d’être protéger.
“Je mets devant toi la vie et la mort”, dit le Seigneur au Deutéronome. “Choisis la vie, afin que tu vives.” (Dt 30, 19)
Voilà le cri que Dieu adresse encore à nos sociétés fatiguées, à nos consciences endormies : Choisis la vie.
Choisis la confiance plutôt que la peur.
Choisis la fidélité plutôt que le désenchantement.
Choisis l’espérance plutôt que le ressassement de tes échecs. .

Si le monde parle tant de la mort, c’est parce qu’il a oublié la promesse de la vie.
À nous, chrétiens, d’en être les témoins.
À nous d’allumer, dans cette atmosphère crépusculaire, cette nuit de désespoir qui semble tout recouvrir, la lumière de Pâques.
À nous de dire, par notre foi, nos gestes, notre joie : la vie est plus forte.

Alors, en ce jour, déposons nos fleurs, prions pour nos défunts, pleurons leur absence— mais relevons la tête.
Car Celui qui a vaincu la mort marche devant nous.

Père Gabriel Ferone

Retrouvez les homélies du père Gabriel  et du père Bertrand dans la rubrique « Messes et célébrations » / « Homélies des pères Gabriel et Bertrand » de ce site

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