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Lien vers les lectures du dimanche 23 mars

Dans la tradition juive, puis chrétienne qui s’en inspire directement, plusieurs interprétations symboliques ont été données du buisson ardent, dont nous avons entendu le fameux passage dans la première lecture. Je vous en livre quelques-unes, sous forme d’un dialogue entre ces deux traditions, portant précisément sur le buisson. Mais il faut se plonger dans une manière de lire la parole de Dieu qui ne nous est pas toujours familière.

Quoi de plus banal et insignifiant qu’un buisson dans l’immensité d’un désert ? Ce n’est pas un arbre majestueux dominant le plateau caillouteux. Non, ce n’est qu’une boule de ronces tentant de survivre en s’accrochant à un sol ingrat. Et pourtant, Dieu se manifesterait dans ce végétal rachitique ?

Eh bien justement, le grand Dieu transcendant, celui que rien ne peut contenir – ni les cieux ni les galaxies – choisit de se manifester dans ce modeste amas d’épines. Cela signifie que Dieu peut s’incarner dans les réalités les plus dérisoires de notre monde. Le buisson devient ainsi le signe de la présence de Dieu dans les zones les plus humbles de la création.

Quelqu’un demanda un jour à un rabbin : « Pourquoi Dieu a-t-il choisi de parler à Moïse à partir d’un buisson ? » Il lui répondit : « Et si cela avait été à partir d’un caroubier ou d’un sycomore, m’aurais-tu posé la même question ?!? Enfin, pour ne pas te laisser sans réponse, apprends que cela nous révèle que nul endroit au monde n’est dénué de la Présence divine, pas même le buisson. »

De même, Dieu a choisi un modeste morceau de pain pour se donner à nous dans chaque eucharistie, afin de montrer qu’Il vient dans les réalités les plus humbles de la vie pour les transfigurer. Ce modeste morceau de pain peut flamboyer de la présence divine ; il suffit que Dieu le veuille ainsi.

Et Jésus, l’humble Messie humilié, sera lui-même l’incarnation du Dieu tout-puissant et en même temps si proche.

Un buisson est aussi fait d’épines. Cela évoque donc la souffrance, ce qui s’enfonce dans la chair jusqu’à provoquer douleur et sang versé. En se révélant à Moïse au cœur d’un buisson, Dieu rappelle toutes les épreuves qu’Israël devra subir : d’abord l’esclavage en Égypte, puis l’exil à Babylone. Mais puisque ces épines brûlent sans se consumer, cela signifie que ni l’exil ni l’esclavage en Égypte ne pourront rayer le peuple hébreu de la carte des nations.

Les chrétiens n’auront aucun mal à superposer à cette interprétation collective une interprétation individuelle : Jésus, couronné d’épines, connaît le feu de la Passion sans être dévoré ni par la mort, ni par la haine, ni par le mal. Le buisson que les flammes ne peuvent anéantir est à la fois le Messie humble et humilié et son peuple qui fait corps avec lui : l’Église. « Les portes de la mort ne pourront rien contre elle », prédira Jésus.

Normalement, un buisson épineux n’intrigue personne. Il n’y a pas besoin de faire un détour pour mieux l’apercevoir. Mais un buisson qui brûle sans se consumer, voilà qui interroge, voilà qui mérite qu’on s’arrête ! Si Moïse n’avait pas eu cette curiosité, s’il n’avait pas pris le temps d’aller voir de plus près, il aurait continué son chemin sans entendre Dieu lui parler, et il ne serait jamais devenu le libérateur des esclaves hébreux.

Dieu ne cesse de jalonner notre itinéraire d’humbles réalités devenues intrigantes sous le feu de sa présence. Encore faut-il que nous ayons la capacité de nous étonner, de nous détourner de la route prévue. Encore faut-il que la curiosité spirituelle soit assez vive en nous pour nous donner le temps et l’envie d’aller voir, pour accepter les détours qu’impose cette soif de connaissance.

Dieu choisit un buisson, un arbre couvert d’épines, sans attrait particulier, plutôt rébarbatif. On ne s’approche pas volontiers d’un tel végétal. Et pourtant, c’est précisément ce buisson que Dieu choisit pour se manifester, pour révéler sa grandeur et sa puissance.

Et lorsque nous parlons de cela, nous parlons aussi de nous. Nous sommes ce buisson plein d’épines, pas très attirant… et pourtant, Dieu manifeste sa grandeur et sa puissance en venant à nous ! Ce feu qui brûle sans consumer le buisson, c’est notre âme, qui transfigure le pauvre buisson de notre corps et manifeste en chacun de nous la présence divine.

Moïse, en s’approchant du buisson ardent, fut invité par Dieu à retirer ses sandales, car il se trouvait en présence du divin. De même, saint Séraphin de Sarov, lorsqu’il rencontrait l’un de ses semblables, se prosternait trois fois à terre pour saluer la présence du divin en cette personne. Oui, chaque être humain est porteur de la présence de Dieu ; en lui brûle un feu qui ne consume pas.

Vous le voyez : le symbolisme du buisson ardent est quasiment inépuisable, à l’image du feu qui le transfigure. Il suffit pour chacun de nous d’entendre quelle harmonique de cette image résonne dans nos vies :

  • Reconnaître Dieu dans l’humilité de sa création et de ses créatures les plus ordinaires.

  • Croire qu’aucun mal, aucune épreuve ne peut consumer ceux qui comptent sur Dieu.
  • Cultiver la curiosité spirituelle et oser les détours qu’elle implique.
  • Reconnaître dans chaque personne, même défigurée par le péché, la présence de Dieu.

Choisissez ce qui deviendra votre détour sur la route de Pâques.

Père Gabriel Ferone

Retrouvez les homélies du père Gabriel  et du père Bertrand dans la rubrique « Messes et célébrations » / « Homélies des pères Gabriel et Bertrand » de ce site

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