Lien vers les lectures du dimanche 14 septembre
La Croix Glorieuse
Chaque 14 septembre, l’Église célèbre la fête de la Croix glorieuse. Cette fête plonge ses racines dans l’humus profond de la liturgie juive qui, à la même époque, commémore Yom Kippour, la fête du pardon.
Son origine remonte au IVᵉ siècle, lorsque sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin, découvrit les reliques de la Croix du Christ. Constantin lui-même fut profondément marqué par ce mystère : la tradition rapporte qu’avant sa victoire au pont Milvius contre Maxence, il eut une vision où la croix lui apparut avec ces mots : « À ce signe tu vaincras. » Dès lors, il fit graver ce signe sur son étendard, le fameux Labarum, puis sur les boucliers de ses soldats.
Avec Constantin, la période des martyrs s’achève : les églises peuvent enfin sortir de terre, et les chrétiens, libérés de la clandestinité, vivre ouvertement leur foi. Les pèlerinages en Terre sainte se multiplient, et avec eux le culte des reliques. C’est dans ce contexte que sainte Hélène entreprend de retrouver la croix du supplice du Christ.
Le lieu du Golgotha n’était pas oublié. Mais les Romains, dans un esprit de dérision, avaient bâti sur cet emplacement un temple dédié à Aphrodite. Non loin de là, un dépotoir servait à entasser les croix des condamnés. Pour identifier la vraie croix, on plaça le corps d’un enfant mort sur chacune d’elles. Lorsqu’il fut posé sur la véritable croix, il ressuscita. Le signe ne laissait aucun doute.
La croix retrouvée fut alors partagée : de petits fragments furent envoyés dans les églises du monde entier, tandis que la partie principale resta à Jérusalem, enchâssée dans un grand reliquaire en forme de croix. Dans les temps de péril, le patriarche de Jérusalem la présentait aux soldats pour les soutenir. Mais cette relique fut perdue lors de la désastreuse bataille de Hattin, qui anéantit l’armée des croisés. C’est pourquoi on trouve encore aujourd’hui de nombreux fragments en France, ramenés par les croisés dont beaucoup était originaire de notre pays.
Quant à leur authenticité, on peut toujours en débattre. Mais l’essentiel est ailleurs : ces reliques renvoient à la croix comme pierre fondatrice de notre foi. Les Pères de l’Église l’ont toujours appelée le trophée du Christ et de notre victoire.
Jusqu’au VIᵉ siècle, la croix n’était jamais représentée avec l’image du Sauveur, mais ornée de pierres précieuses : non pas instrument de supplice, mais signe de triomphe. Du VIᵉ au VIIIᵉ siècle, on représente le Christ glorieux, assis sur la croix comme sur un trône. La couronne qui ceint sa tête n’est pas celle d’épines, mais un diadème royal de majesté. Les premiers chrétiens voulaient ainsi rendre au Christ la gloire dont il s’était dépouillé.
Certes, le Christ a réellement souffert. Mais la foi du croyant contemple dans le crucifié l’affirmation éclatante de sa victoire sur la mort. Le Christ crucifié est ressuscité ; c’est ce Christ vivant et glorieux que nous vénérons à travers la croix. Voilà pourquoi, autrefois, la vénération de la croix avait lieu au temps de Pâques. Le Vendredi saint, l’antienne nous le rappelle encore : « Nous adorons ta croix, ô Christ, et nous chantons ta résurrection. Voici qu’à cause du bois de la croix, la joie est venue dans le monde entier. »
Vénérer la croix, c’est donc vénérer en même temps la résurrection. Chaque signe de croix que nous faisons rappelle la victoire du Christ. Saint Jean de Constradt affirme : « Les démons tremblent à la vue, et même au signe de la croix vivifiante, parce que le Fils de Dieu y fut cloué et l’a sanctifiée par sa passion. »
La croix résume toute notre foi dans la Trinité — Père, Fils et Saint-Esprit — que nous invoquons en nous signant. Elle est le témoignage de notre foi au monde. Elle est notre espérance : de la croix du Christ nous viennent la grâce et la promesse de la vie éternelle. Elle est notre charité : si Dieu nous a aimés jusqu’à mourir sur une croix, nous devons à notre tour aimer nos frères et porter avec eux leur croix.
Le signe de la croix est l’un des gestes les plus beaux et les plus simples de la vie chrétienne. Il marque toutes nos rencontres avec la grâce : chaque sacrement, chaque entrée et sortie d’église, chaque passage devant un calvaire, chaque tentation repoussée. Les parents chrétiens le tracent sur le front de leurs enfants avant la nuit, les confiant à Dieu et à la Vierge Marie, présente au pied de la croix.
Nous avons besoin de signes, car notre foi n’est pas abstraite : elle est aussi corporelle. Sans signe, elle risquerait de tomber dans l’insignifiance. Certes, nous fuyons spontanément la croix. Mais la contempler, c’est entrer dans la foi. Il n’y a pas d’autre chemin que celui qu’a suivi le Seigneur. Il n’y a pas d’autre chemin que la croix.
Père Gabriel Ferone
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