Lien vers les lectures du 4e dimanche de l’avent
Homélie du père Bertrand
Dieu nous visite en germe
L’annonciation vient d’avoir lieu, et Marie part avec empressement visiter sa cousine Elisabeth.
Elisabeth reçoit Marie avec joie : plus, elle exulte de joie, remplie de l’Esprit Saint. Elle reconnaît en Marie la Mère de son Seigneur qui vient la visiter. Comme souvent dans toute la Bible, Dieu se manifeste en tout petit. Ici nous avons le germe encore imperceptible du Sauveur, le Seigneur présent en Marie.
Nous disons souvent que nous nous préparons à recevoir le Seigneur dans notre maison et dans notre vie. Serons-nous capables de le reconnaitre quand il vient sous les traits de celui ou celle que je n’attends pas. Verrai-je la présence du Seigneur dans la visite de tel ou tel ?
C’est l’Esprit Saint lui-même qui ouvre le cœur et les lèvres de Elisabeth lors de sa rencontre avec Marie.
Elisabeth et Marie sont toutes deux ouvertes à la rencontre de leur Seigneur et Sauveur. Nous-mêmes, comment nous préparons-nous à recevoir ceux qui nous sont sans doute envoyés par Dieu lui-même, et pour les bénir ?
Nous avons fait de la place dans notre maison pour la crèche, comment saurons-nous reconnaître celui qui vient sous des traits inattendus pour bouleverser nos vies ?
Homélie du père Gabriel
Vous avez sans doute lu dans votre jeunesse, et pour les plus jeunes, écouté raconté par vos parents peut-être récemment, le conte de Charles Perrault, Barbe bleue. Cet affreux personnage condamne son épouse à mourir pour avoir été trop curieuse. Il faut dire qu’elle avait découvert que son mari avait tué toutes ses précédentes épouses. Le scélérat ! Il lui donne un « demi-quart d’heure » pour prier Dieu avant sa mort. Affolée, elle appelle sa sœur Anne (étymologiquement, cela signifie « Grâce ») et lui dit :
« Ma sœur Anne, monte, je te prie, sur le haut de la tour pour voir si mes frères ne viennent point : ils ont promis qu’ils me viendraient voir aujourd’hui ; et si tu les vois, fais-leur signe de se hâter. »
Anne monte donc sur le haut de la tour ; et la pauvre affligée lui crie de temps en temps :
« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
Quatre fois, elle lance cet appel à sa sœur, qui lui répond par deux fois :
« Je ne vois que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie. »
La troisième fois, elle lui dit :
« Je vois une grosse poussière qui vient de ce côté-ci… mais ce ne sont pas vos frères, c’est un troupeau de moutons. »
De plus en plus désespérée, elle pose une dernière fois la question à sa sœur, qui lui répond :
« Je vois deux cavaliers qui viennent de ce côté, mais ils sont bien loin encore. »
« Dieu soit loué ! », s’écria-t-elle, « ce sont mes frères. Je leur fais signe tant que je peux de se hâter. »
L’Avent, et plus largement toute notre vie, est comme la « veille » attentive du haut d’une tour, rappelée par ce conte de notre enfance.
L’épouse qui attend le retour de son époux après une longue absence est partagée entre l’impatience et la joie prochaine des retrouvailles. Quant à l’épouse de Barbe bleue, son attente est bien plus anxieuse : il s’agit de sa vie ou de sa mort ! Attendons-nous le Seigneur en ayant conscience que sa venue — celle de Jésus, dont le nom signifie justement « Dieu sauve » — est véritablement pour le monde et pour nous un événement de salut ?
Il est bon que, chaque année, l’Avent nous rappelle de désirer le Sauveur qui vient. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Veiller, c’est choisir Dieu. C’est opter pour la vie qu’est Dieu. S’endormir, c’est oublier Dieu et plonger dans un chemin de mort où l’on s’abrutit. Quand nous consommons du temps, de l’amour, des biens dans l’immédiat et le court terme, nous ne veillons plus. Nous dormons le ventre plein et la tête vide. Nous devenons des engourdis de l’espérance, nous perdons cœur.
Dans la littérature française, il y a une autre histoire d’attente, mais celle-ci finit mal. C’est dans l’histoire de Tristan et Iseult. Tristan se meurt et souhaite revoir une dernière fois celle qui est la vie de son âme, celle qu’il aime : Iseult aux cheveux d’or, Iseult la blonde. Il demande que la voile du navire qui doit porter sa bien-aimée soit blanche si elle est dans le bateau, et noire dans le cas contraire.
« Tous les jours, il envoie au rivage pour voir si la nef revient, et souvent il se fait porter en litière sur le bord de la mer ; et il attend et regarde au loin, en proie aux tourments de l’espérance. Toutes ses pensées sont pour Iseult, toute sa volonté est de vivre assez pour apercevoir à l’horizon la voile blanche qui lui apportera le salut. Mais Iseult aux blanches mains, une autre Iseult, par jalousie, lui ment. Le navire apparaît à l’horizon, la voile est blanche. Elle lui dit qu’elle est noire, et il meurt de chagrin, car il ne peut plus retenir sa vie. »
Mes frères, ne perdons pas cœur, ne perdons pas l’espérance. Soyons, comme nous y invite le pape pour le jubilé de 2025, des pèlerins d’espérance. N’écoutons pas les mensonges du démon, n’écoutons pas sa petite musique qui nous dit que tout va mal, que l’histoire n’est que bruit et fureur, et que le Seigneur, le vrai maître de l’histoire, n’est pas celui qui finalement va venir.
Anne guette ses frères. Elle est montée à la tour, elle a mis sa main au-dessus des yeux, elle regarde au loin la poussière soulevée par les chevaux des cavaliers.
Nous savons la fin de l’histoire : au dernier moment, alors que notre héroïne est sur le point de succomber, ses frères surviennent et la sauvent, tuant de quelques bons coups d’épée Barbe bleue. Ouste, le démon et ses affidés ! Ils seront vaincus.
Oui, le Seigneur viendra, car il est fidèle. Il viendra victorieux quand tout semblera perdu. Il semble encore bien loin, mais non : il est tout près. Ne soyons pas comme des moutons apeurés secouant la poussière que remuent les hommes sans espérance, parce que sans foi. C’est un soleil de joie à l’horizon. Le Seigneur vient, il se hâte de venir, il est déjà là ! La voile est blanche sur la ligne infinie de l’océan pour celui qui croit.
Père Gabriel Ferone
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