Lien vers les lectures du dimanche 9 novembre
Ut unum sint (Qu’ils soient un)
Petite question : Quelle est la cathédrale du diocèse de Rome ? Et pourquoi fête-t-on Notre Dame du Latran dans tous les diocèses du monde ?
C’est un rappel de l’unité de l’Eglise, sans cesse recherchée et toujours mise à mal par les hommes – surtout les chrétiens.
À chaque eucharistie nous citons notre Pape, et l’évêque de notre diocèse. L’Eucharistie manifeste au plus au point l’unité de toute l’Eglise rassemblée pour célébrer la Résurrection du Seigneur Jésus. En fait elle est le signe efficace de la tendresse de Dieu pour les hommes. Donc c’est aussi le lieu de manifestation de la tendresse des hommes les uns pour les autres, unis dans l’Eglise par la figure du Pape et celle de l’évêque.
Dans notre diocèse, la succession apostolique est une réalité historique. Depuis saint Irénée, jusqu’aujourd’hui les évêques se sont succédés sur le siège de Lyon. La succession apostolique à Lyon tient à la succession de Saint Jean, par Smyrne et Ephèse, et par Rome, car un des premiers, Irénée est allé demandé son autorité à Rome, reconnaissant ainsi la primauté de Pierre sur toute l’Eglise.
C’est cela que nous célébrons aujourd’hui : l’unité déjà réalisée et toujours à perfectionner dans notre Eglise, corps du Christ et temple de l’Esprit, bâti de pierres humaines.
Père Betrand Carron
Homélie : “La colère qui purifie”
(Évangile : Jésus chasse les marchands du Temple – Jn 2,13-25 ou Mt 21,12-17)
L’Évangile d’aujourd’hui nous montre un visage de Jésus que nous voyons rarement.
Non pas celui du doux berger, ni celui du guérisseur compatissant, mais celui d’un homme en colère.
Il entre dans le Temple, voit les marchands, les changeurs, les trafiquants du sacré… et il renverse les tables, il chasse les vendeurs.
Le fouet à la main, il crie : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce ! »
Comment comprendre cette colère ?
C’est qu’il ne s’agit pas d’une colère aveugle, mais d’une colère juste, une colère sainte.
Que l’on peut comparer à une autre colère, presque aussi célèbre qui peut nous aider a comprendre la colère de Jésus.
“Chante, ô déesse, la colère d’Achille… ”Avant même les dieux, les guerres ou les amours, Homère place au commencement de l’İlliade une passion : la colère mais pas n’importe quelle colère, le mot grec indique une colère sacré, presque divine.
La colère d’Achille naît d’une blessure morale, non d’un simple emportement.
Achille, le plus grand des guerriers grecs, se sent humilié par le roi Agamemnon qui lui arrache sa captive, Briséis —qui lui revenait de droit. Blessé dans son orgueil, Achille se retire du combat.
Privés de lui, les Grecs subissent de lourdes pertes : des centaines d’hommes meurent.
Et lorsqu’il revient enfin sur le champ de bataille, c’est dans une rage sans mesure : il tue Hector, traîne son corps autour des murs de Troie, oublie toute pitié. La colère peut en effet devenir dévastatrice quand elle n’est plus contrôlée.
Les anciens Grecs l’ont compris très tôt : la colère est à la fois force vitale et danger mortel.
Chez les philosophes grecs, elle est une passion à maîtriser ; une énergie qui doit obéir à la raison ou bien une folie qu’il faut extirper.
.Lorsque le christianisme entre dans l’histoire, il reprend ces idées en les purifiant.
Saint Augustin distingue la colère qui détruit de celle qui s’indigne pour le bien : la première est péché, la seconde peut être juste.
Ainsi, la colère d’Achille devient, dans la lumière chrétienne, une force qui doit désormais servir la justice, non la vengeance.
Si la littérature occidentale commence par la colère, c’est qu’elle commence par le refus de l’injustice.
Notre culture ne s’est jamais satisfaite du monde tel qu’il est : elle s’indigne, proteste, se révolte. C’est ce qui la caractérise. L’homme Occidental ne se contente pas du monde tel qu’il est, il veut le changer. D’où son insatisfaction permanente mais aussi son extraordinaire dynamisme.
De la colère d’Achille aux prophètes bibliques dénonçant les injustices jusqu’au “Misérable “ de Victor Hugo ou “L’homme révolté” d’Albert Camus , c’est toujours la même exigence :
“Il y a quelque chose qui ne doit pas être ainsi.”
Oui, frères et sœurs, il est des situations qui doivent nous mettre en colère.
Quand on massacre des populations innocentes.
Quand la dignité humaine est piétinée. Notre planète saccagée.
Quand on apprend que l’innocence d’un enfant a été sali.
Quand la corruption, la violence ou l’indifférence gagnent les cœurs.
Nous n’avons pas tous les mêmes colères.
Mais
Rester froid, impassible, « au-dessus de tout », est impossible. Est anti-naturel.
La sainte colère nous oblige à défendre la justice, la vérité, la vie.
La sainte colère ne se nourrit pas de haine, mais de l’amour blessé par le mal.
La colère du Christ, dans le Temple, nous rappelle que l’amour véritable n’est pas molle complaisance : il est exigeant, il sait dire non, il sait se dresser face au mal.
La colère de Jésus ne naît pas d’une offense personnelle, mais de l’amour du Père et du zèle pour la maison de Dieu. C’est une colère au service de la justice.
Quand elle est raisonnée, mesurée, et orientée vers le bien, la colère devient une force morale. Dieu n’attend pas de nous que nous soyons des êtres sans nerfs, sans chair, sans passion.
Dieu a mis dans nos cœurs des élans, des forces, des émotions — et il nous demande de les orienter vers le bien.
C’est lorsqu’elle déborde, lorsqu’elle cherche à blesser, à humilier ou à se venger qu’elle devient pécheresse.
Frères et sœurs, demandons-nous aujourd’hui :
De quoi nous mettons-nous en colère ?
Notre colère vient-elle de notre orgueil blessé ?
Ou bien de notre amour du bien?
Demandons à Dieu de purifier notre cœur, de transformer notre irritation en énergie pour la justice, notre colère en feu d’amour, notre indignation en œuvre de miséricorde.
Que notre colère ne soit pas destructrice, mais créatrice d’un monde plus vrai, plus humain, plus saint.
Père Gabriel Ferone
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