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Lien vers les lectures du dimanche 20 juillet

L’icône de la Trinité de Roublev a immortalisé notre première lecture : trois mystérieux visiteurs s’arrêtent sous le chêne de Mambré, reçus avec générosité par Abraham. Dans leur bouche, une étrange alternance entre le « nous » et le « je », entre la pluralité et l’unité, intrigue : Dieu est-il venu à trois ? Depuis les premiers siècles, les chrétiens y ont reconnu une annonce voilée du mystère trinitaire, ce Dieu de communion que Jésus révélera pleinement.

Mais allons plus loin. Ce récit ne se contente pas de révéler une théophanie, – une manifestation divine- il fait naître le rire, et ce n’est pas anodin. Car le rire de Sarah, comme celui d’Abraham avant elle, est le premier éclat de rire de toute la Bible. Et ce rire porte un nom : Isaac, qui signifie « Il rira ».

Le premier à rire, c’est Abraham, lorsqu’il entend la promesse d’un fils :

« Abraham se jeta face contre terre et il rit. Il se dit : “Un enfant naîtrait-il à un homme de cent ans ? Et Sara, avec ses quatre-vingt-dix ans, enfanterait-elle ?” » (Gn 17,17)

Ce n’est pas un rire de moquerie, mais un rire incrédule. Le rire sarcastique peut être de Thomas quand on lui a annoncé que Jésus était vivant… Un rire qui mélange l’espérance étouffée, le rêve brisé, et l’absurde d’une promesse trop belle pour être vraie. Abraham rit de l’excès de Dieu : « À notre âge ? Seigneur, tu es fou… ou cruel ! ».

Ce rire nous ressemble. Nous aussi, nous rions parfois — non pas de joie — mais de dépit, face aux projets fous que Dieu semble nourrir pour nous malgré nos limites, nos fatigues, nos renoncements.

Le deuxième rire, c’est celui de Sarah, cachée derrière le rideau de la tente :

« Tout usée comme je suis, pourrais-je encore connaître le plaisir ? Et mon maître est si vieux ! » (Gn 18,12)

Ce rire-là est amer, désabusé. Il vient de loin : de la blessure d’une femme stérile, d’une attente devenue résignation. Sarah ne rit pas à cause de l’excès de Dieu, mais parce qu’elle ne croit plus que quelque chose puisse changer. Et quand Dieu l’interpelle, elle ment :

« Je n’ai pas ri. »
« Si, tu as ri », répond Dieu — non pour la condamner, mais comme pour lui dire : « Je t’ai vue. Et j’ai entendu ton désespoir ».

Et puis vient le troisième rire, celui de Dieu lui-même — ou plutôt, celui que Dieu provoque :

« Dieu m’a donné de quoi rire, s’exclame Sarah après la naissance d’Isaac,  et tous ceux qui l’apprendront riront avec moi. » (Gn 21,6)

Ce n’est plus le rire de la résignation, mais le rire de la grâce, le rire de l’impossible devenu réel, le rire pascal qui surgit quand la vie jaillit là où il n’y avait plus d’espoir. C’est ce rire que Dieu veut nous offrir, et qu’il fait naître d’un ventre stérile, d’un cœur desséché, d’une Église vieillissante, d’un monde désenchanté.

Alors, quel rire portons-nous aujourd’hui ?

  • Le rire nerveux d’Abraham, qui se méfie des illusions ?
  • Le rire amer de Sarah, qui pense avoir trop souffert pour encore espérer ?
  • Ou le rire lumineux d’Isaac, fruit d’une promesse tenue, né dans le décalage entre notre impuissance et la surabondance de Dieu ?

Sarah était vieille. Usée. Épuisée. Et pourtant, c’est à elle qu’est confiée une fécondité nouvelle.

Notre Église aussi semble usée. Elle a porté des siècles de lumière, de sainteté.  Nos assemblées bien souvent clairsemées et aux cheveux blancs auraient bien du mal à ne pas rire si on leur promettait un avenir radieux.

 Sara écoute dans l’embrasure de la porte de la tente, et elle rit quand on prédit qu’elle aura un fils Elle pensait, Sara, et sans doute avait-elle raison, qu’elle ne pouvait plus donner la vie. C’était trop drôle… elle en riait.

Elle est vieille notre Église , vieille et usée. Elle pense, notre Église , et semble avoir raison, que dans ce pays lui-même usé, elle ne peut plus guère donner la vie. Elle se dit : « il n’y a plus qu’à donner l’extrême-onction à ce peuple  qui n’accueille plus la vie, qui l’élimine même , pensons a tous ces petits İssac dont on a supprimer le rire avec la vie, vie avorter, vie refuser  :  allons soyons réalistes, ne rêvons pas : croire en la vie,  c’est trop risible ! »

Et pourtant…
Et pourtant, Dieu promet encore. Il visite l’Église dans sa tente entrouverte. Il vient dans l’humble hospitalité, dans l’inconnu accueilli, dans la fidélité du quotidien.
Et il annonce : « Une vie nouvelle va naître. »

Avons-nous encore la foi de l’hospitalité, avons nous foi dans la vie? ou avons-nous réduit notre foi à un deuil bien organisé ?
Sommes-nous prêts à accueillir des promesses démesurées, ou préférons-nous le confort d’une foi résignée, polie, mais stérile ?

Avec Abraham, ouvrons notre maison, notre cœur, nos communauté aux visiteurs inattendus. Tous ces catéchumènes qui frappent a notre porte?

  • Avec Sarah, n’ayons pas peur de reconnaître nos rires d’incrédulité et nos blessures secrètes. Mais laissons les derrière nous…

Avec Isaac, mettons le rire dans notre programme de vie : un rire pas seulement humain, mais divin, qui vient quand Dieu fait germer la vie au cœur de la stérilité. Car rien n’est impossible a Dieu.

Père Gabriel Ferone

Retrouvez les homélies du père Gabriel  et du père Bertrand dans la rubrique « Messes et célébrations » / « Homélies des pères Gabriel et Bertrand » de ce site

Cet article comporte 1 commentaire

  1. Superbe!
    Oui, il faut rire, utiliser tous ces rires et croire que pour Dieu, notre Père, tout est possible.
    Jeunes ou vieux sachons l’écouter et l’entendre
    Merci, vous nous aidez à comprendre tant de choses

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